35 ans


18 avril 2023

Alors, finalement, c’est ça grandir et devenir adulte, c’est ça d’ailleurs peut-être le plus grand secret des adultes : faire semblant de savoir et de ne pas avoir peur. Faire semblant de faire des choix raisonnés et de comprendre le monde ?

C’est ce mensonge rassurant quand on à cinq ans et que l’on observe ses parents. Ils sont grands, ils sont forts, ils sont éternels. Ils possèdent la carte du monde et nous tiendront toujours la main.

Puis on grandit. On voit doucement nos parents vieillir. Sur le chemin, on perd des rêves, des amours et quelques amis. Souvent, on ne sait pas. On ne sait ni le temps qu’il fera après-demain ni d’où l’on vient. Ni vraiment, dans le fond, ce qui nous meut.

Dans quatre dodos, j’aurais trente-cinq ans et je ne sais pas. Je ne sais pas le monde. Je dors toujours avec un doudou et j’ai encore des bleus aux genoux. J’ai peur de voir mes parents mourir. Je déteste les voir vieillir. J’ai peur de ne jamais créer une famille.

Je rêve souvent d’écrire un roman et de sentir mon ventre s’arrondir. Je voue une passion infinie pour les choses inutiles et la poésie du quotidien. Il y a des choses, comme ça, qui ne changent pas avec les années.
J’ai peur de ne pas parvenir à faire grandir Les mots à l’affiche. J’ai peur, souvent, de ne pas savoir comment être heureuse et de ne jamais trouver l’équilibre. De rester bancale.

J’ai peur, c’est ce mot qui clignote souvent dans ma tête la nuit. 

***

22 avril 2023

Trente-cinq ans. Aujourd’hui, j’ai trente-cinq ans. Il y a cinq ans, j’écrivais ce texte. Et la vérité est que je n’aime pas tant que ça grandir.

Il y a dix ans, je croyais que la vie serait celle que j’avais imaginée dans mes rêves de môme. Il y a dix ans, j’aurais parié que mon amoureux le serait pour toujours.

Il y a dix ans j’avais des rêves plein le coeur.

***

7 mai 2023

Trente-cinq ans, j’ai eu trente-cinq ans le samedi vingt-deux avril. Depuis, j’observe ce chiffre, mon âge. Il m’apparait à la fois sérieux et absurde. 

Trente-cinq ans. J’ai trente-cinq ans et c’est vertigineux. Je pense souvent à ce morceau de Ben Mazué : « t’as plus 20 ans mais tout ce que tu vois autour de toi, te rappelle que t’es pas plus avancée. Et les bonheurs de cette vie-là, à 35 piges, se sont bien dégradés » 

J’avais 25 ans, peut-être 27, quand j’écoutais cette chanson. Cela me semblait tellement loin 35 ans, tellement grand, tellement adulte. Cette jeune femme me semblait si éloignée de celle que je projetais devenir.

Finalement, on se ressemble pas mal. Déjà, on a le même âge aujourd’hui.


Cela fait dix jours que je cherche les mots justes pour décrire ce que cela fait d’avoir 35 ans. Je cherche. Je creuse. Je fouille. Je distille des miettes. J’écoute mes émotions et souvenirs.

Depuis des mois, j’essaie de recoller mes morceaux. J’analyse. Je questionne. J’observe par le rétroviseur les années passées à une vitesse folle. Hier, j’avais dix-huit ans et je levais les yeux au ciel lorsqu’on me disait que grandir, c’est faire le deuil d’une vie extraordinaire. 

Je voulais une vie en majuscules. Je voulais tordre le cou à la routine. Je voulais rester en éveil.

Alors, j’ai couru. J’ai pris des photographies, des avions, des rêves. J’ai étudié, beaucoup. J’ai étudié, longtemps. J’ai voulu comprendre le monde. J’ai écrit. Sur des feuilles, sur ce blog, sur des affiches. Dans des moleskine, des livres, des magazines. A chaque fois que j’ai eu peur, j’ai sauté dans le vide. J’ai voyagé. Je voulais tout voir tout connaitre tout comprendre. J’avais soif de vie, d’expériences, de rencontres.

Je suis tombée amoureuse, pour la première fois, à 18 ans. Ensemble, on a grandi, créé une agence de communication, adopté Holly. Dix ans plus tard, j’ai tout envoyé valser. J’avais 28 ans. J’ai mis des années à cicatriser et à réussir à en parler. J’ai vu des psychologues. J’ai oublié les mots. Avec eux, je me suis oubliée.

Un soir d’avril, j’ai rencontré un homme qui a fait battre mon coeur battre plus fort. J’ai aimé la passion, j’ai embrassé la douce folie.

J’ai grandi. J’ai trinqué jusqu’à ce que le jour se lève. J’ai fait la fête, j’ai fui l’ordinaire.

J’ai vécu d’amour, de mots et d’affiches. J’ai acheté mon appartement. Puis, sur un coup de coeur, un été, j’ai déménagé au milieu des vignes.

Sur le chemin, je me suis parsemée. 


Et puis, voilà, peut-être que finalement l’ordinaire finit toujours par nous retrouver. Peut-être que quand on cherche nos limites, on finit toujours par s’écorcher et tomber. Peut-être que dans le fond, c’est ça que je cherchais.
Peut-être que 35 ans, c’est l’âge idéal, pour se relever, ralentir et apprendre à marcher. C’est peut-être ça aussi grandir, faire le deuil d’une vie en majuscules.

Doucement, du bout des doigts, j’apprends à repousser la folie et la passion destructrice. Je repousse les nuits d’ivresse et la fatigue. Je travaille moins. Je prends du temps pour moi. J’essaie de prendre soin de moi et de m’écouter. Je tente, de mes petites mains, de repousser les schémas que l’on répètent et qui blessent sans cesse.

Alors, je tranche dans le vif. Je me sépare d’amitiés, d’habitudes et d’amours nuisibles. Je cherche les joies ordinaires. Je guette les brèches et les interstices. Je cueille les rires, l’amour et le silence. Je m’accroche à la douceur et aux habitudes tissées. Je fais un pas de côté.

A l’intérieur, encore, souvent, c’est la tempête. Certains jours, mes peurs surgissent. J’avais pris tant de soin à les cacher sous le tapis. Aujourd’hui, elles apparaissent comme des ombres. Et s’il n’est encore pas l’heure d’apprendre à danser avec, il est celle d’apprendre à faire corps. Alors, je me libère, ou plutôt j’essaie. J’avance. Je patiente. Je m’ancre. J’observe mes émotions. Je tourbillonne. Je ralentis. Je suis un passage. Je m’écorche, je trébuche. Je suis fatiguée. Je suis bleutée. 

Et puis, toujours, je me relève. Je me cambre. Je me sens plus légère. Je lève le nez vers le ciel et je guette le soleil à travers les nuages.

Je voudrais construire, aimer et partager. Je voudrais une vie simple.


D’ailleurs, c’est peut-être ça grandir dans le fond : chercher l’équilibre et la jonction entre la réalité, nos démons et nos rêves. Et puis, dire oui à la vie et apprendre à composer avec.

Je ne sais pas vraiment à quoi ressemblera ma vie à 45 ans, et cette fois, j’ai la sagesse d’écrire que je ne sais pas.

Dans dix jours, je serai en train de faire une transhumance dans le Haut-Atlas : et j’ai, à mes pieds, une montagne à gravir et un monde à construire.  

Et puis ces mots de Henri Michaux qui m’apaisent depuis tant d’années : le jeune puma naît tacheté. Ensuite, il surmonte les tachetures. C’est la force du puma contre l’ancêtre, mais il ne surmonte pas son goût de carnivore, son plaisir à jouer, sa cruauté.

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La magie des idées


Souvent, on me demande d’où vient mon inspiration, comment je fais pour écrire, pour me renouveler, pour avoir toujours des nouvelles idées. On me demande d’où elles viennent, mes idées. 

Je réponds toujours la même phrase : elles surgissent dans tout. N’importe où, n’importe quand, n’importe comment. Au milieu d’une conversation, d’un film, d’un poème. Au milieu de la journée, de la foule, dans le calme du matin quand le jour se lève, la nuit quand le silence remplace le brouhaha de la ville. 

Le plus compliqué, avec les idées, est qu’il faut les capturer et ne pas les laisser filer. Il faut être réactif mais discret. Faire un pas de coté. Observer. Ouvrir les yeux. Rester en éveil. Se laisser envahir par l’émotion. Accueillir la vague.

Puis, retenir. Vite. Retenir ce qui m’émeut, me bouscule ou me secoue. Retenir le sensible, le merveilleux et l’étonnement. Retenir la tristesse, la beauté et la joie. Retenir un regard, une parole, une lumière.

L’inspiration s’en va, main dans la main, avec ma créativité, quand je ne parviens plus à m’étonner et à vivre. C’est ma façon, d’adulte, d’être présente au monde.

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La première nuit


Après avoir réservé le vol pour Ibiza et le van, je me suis demandé ce que l’on pourrait bien y faire à début avril quand on n’a pas mis les pieds dans une discothèque depuis plus de dix ans et que l’on déteste la musique forte. 

Puis, les questions sont arrivées. Est-ce si facile à conduire comme mon papa me le répète ? A-t-on froid la nuit dans un van ? Et si j’ai peur ? Et si j’ai envie de faire pipi ? Et si je suis malade ? Mais, d’ailleurs, on se lave comment quand il ne fait pas encore si chaud ? 

Alors, pour me rassurer, j’ai préparé un programme pour la première fois de ma vie. J’ai noté les paysages, les horizons et les kilomètres entre chaque étape. J’ai lu, regardé et observé Ibiza depuis mon écran d’ordinateur. 
Et surtout, surtout, je me suis promis de ne pas m’en vouloir : si j’avais peur, si j’avais froid ou si je trouvais la vie en van trop inconfortable ; je pourrais réserver un hôtel et cela ne serait pas un drame. Cela ne ferait pas de moi une personne nulle, ou moins capable, non plus d’ailleurs. 

Pour la première nuit, j’avais noté que le parc naturel de Ses Salines était seulement à quelques kilomètres de la vieille ville d’Ibiza et de l’aéroport.

J’avais alors pensé que je pourrais y dormir. Cette idée m’avait rendue infiniment heureuse. C’était donc ça la magie d’une maison roulante : avoir le luxe de choisir, chaque jour, chaque nuit, les toutes premières et les toutes dernières images qui apparaîtront sous mes yeux.

Et pour ce tout premier matin à Ibiza, j’avais décidé que cela serait cette vue-là. Quand j’ai pris la photographie dimanche ; j’ai pensé que parfois, dans la vie, la réalité était bien plus chouette, simple et surprenante que nos rêves.

Et que ça, c’était quand même une merveilleuse nouvelle. 

PS : j’ai eu froid, j’ai eu pipi la nuit, j’ai calé, j’ai eu peur de tomber dans la mer lors d’un démarrage en côte, j’ai pensé que j’arriverais jamais à me garer dans une place pour six voitures, j’ai eu soudain très chaud. Mais alors, qu’est-ce-que c’était chouette, qu’est-ce que c’était beau, qu’est-ce que c’était doux.

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