Retour du trek, Maroc


 

Je rentre de cinq jours dans le Haut-Atlas.

Je suis dans le pick-up. Sur mes lèvres, je porte le goût du sel et du temps ralenti. Les routes sont sinueuses et l’horizon couleur d’or. Je rentre d’un monde où l’électricité demeure un luxe. Où l’on oublie internet et où le temps semble ralentir. Je rentre avec dans la tête des images de dizaine de petites filles et de garçons croisés sur le chemin. Je rentre de là où les étoiles brillent un peu plus fort et où le soleil devient notre boussole.

Je rentre avec le corps apaisé, retrouvé. Avec l’esprit allégé. Je rentre en me promettant, comme toujours, de ne plus jamais me laisser emporter par les petites angoisses quotidiennes. Je rentre en me répétant que l’essentiel est ailleurs. Je rentre dépaysée, enrichie, marquée. Je rentre le sourire aux lèvres.

Je rentre avec des poignées d’idées et de mots pour cette boutique d’affiches. Je rentre reposée et inspirée. Je rentre en y croyant un peu plus qu’avant de partir. Je rentre avec du courage et la volonté d’aller au delà de mes peurs.

 


 

Je rentre de dix jours au Maroc. Je rentre d’un lieu où le travail dans les champs et l’instinct de survie est la norme. Je rentre de l’Atlas.

Je rentre des jours de marche et de silence. Je rentre éveillée de nos échanges. Je rentre de là où l’on construit des tentes chaque soir et écoute les garçons, sourire aux lèvres, chanter des chants traditionnels à la nuit tombée. Où l’on se lave dans le ruisseau au petit matin. De là où les seules préoccupations semblent être de trouver le meilleur endroit pour déjeuner et la couleur du ciel. Je rentre des dîners au bord de l’eau et des nuits à regarder les étoiles.

Je rentre avec cette image obsédante de cette maman et de son bébé minuscule dans les bras qui ne bouge pas et ne semble plus avoir la force de pleurer. Ses yeux qui implorent de l’aide. Je rentre avec mon impuissance et des dizaines de questions dans la tête.

 


 

Je rentre de quinze jours loin de mon appartement et de mon confort. Je rentre de Marrakech, du Haut-Atlas, de Madrid. Je rentre de quinze dodos loin d’Holly.

Je rentre avec mon sac sur le dos qui me fait ressembler à une tortue. Je rentre loin des mails, des recommandés et des obligations. Je rentre riche de rencontres et de partages.

Je rentre la peau caramel et une lampe magique d’Aladin dans mon sac à dos.

 

 

Le voyage a été organisé par Touda, et orchestré par Saïd. Le voyage revient à environ 450 euros la semaine par personne est comprend la pension complète, le trek – dont je vais vous parler dans les prochains articles -, les nuits à Marrakech et le transfert Marrakech – Touda.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site de l’écolodge dans le haut-Atlas.

 

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Un trek dans les gorges du M’goun


 

Lorsqu’on on est arrivés au point de départ du trek, quatre mules et leur veilleur nous attendaient déjà à Azilal.

Les veilleurs étaient partis la veille, à l’aube, de Touda. Ils avaient traversé la vallée d’Ait Bougmez et l’Atlas pour nous accompagner. Si l’idée de ne pas tout avoir à porter durant cinq jours rassurait mon corps, celle de savoir que des mules et des hommes seraient là pour veiller sur nous et rendre notre trek plus confortable me bousculait. Les mules porteraient les tentes et la nourriture. Les garçons prépareraient le campement et s’occuperaient des repas.

Après quelques heures de marche, on a déjeuné dans l’herbe au bord du M’Goun. C’est ce fleuve que l’on descendra durant cinq jours et qui ne cessera de nous émerveiller. Un tapis déposé au bord de l’eau, le déjeuner était déjà prêt : une salade de tomate, des olives, du thon et du pain frais. Un thé à la menthe et une pastèque partagée en dessert. Cela sentait bon l’été et le goût des choses à la fois simples et précieuses.

Vers quinze heures, on a repris la marche. Le soleil était haut et les paysages semblaient tout droit sortis d’un conte oriental. Je me souviendrai longtemps de ce tout premier village croisé et de cette maison sombre où une vingtaine d’enfants serrés récitaient le Coran. Je me rappellerai du regard du professeur et des grands yeux des enfants qui nous observaient à leur tour. Je ne sais pas qui observait vraiment l’autre. Je ne sais pas mais je sais mes frissons et mon émotion à cet instant-là.

 
 



 

On a poursuivi la route. On a longé le M’Goun. On a mis les pieds dans l’eau. On a répété que l’eau était glacée et puis on a oublié la température de l’eau. Plus tard, on a pris de la hauteur et on a rejoint les terres. On a croisé des villages ocres et champs verts. Des maisons spartiates et des routes faites de terre. Des intérieurs vides et des boutiques fermées.

On a croisé des femmes travaillant au champ et des dizaines d’enfants nous demandant une pièce ou un stylo comme l’on répèterait une comptine. Des villages sans électricité ni eau courante. Des enfants avec des vêtements parfois trop petits, souvent trop grands et aux cheveux emmêlés. Des bergers avec leurs moutons et des hommes qui nous observaient.

Alors, doucement, j’ai respiré et j’ai apprivoisé le silence. J’ai oublié mon confort et mes urgences. J’ai ouvert les yeux. Ici, tout me semblait me rappeler l’importance de ralentir et de revenir à l’essentiel.

Vers dix-huit heures, peut-être dix neuf, on a commencé à chercher un lieu pour passer la nuit. On avait cette liberté de pouvoir choisir l’endroit où l’on poserait nos affaires et cela nous semblait, à ce moment-là, l’essentiel. On a monté le bivouac, avec l’accord du chef du village, à quelques mètres du fleuve.

Tout à coup, des enfants qui semblaient sortir de nulle part, nous entouraient. Ils nous observaient comme on regarde un animal inconnu pour la première fois. Par défi, on soutenait parfois leur regard. Par contagion, on riait ensemble. Un monde semblait, brusquement, se tisser entre nous.

 

 


 

Les jours ont suivi, j’ai marché. Je n’ai pas compté les kilomètres. J’ai marché sur la terre, sur des cailloux, dans l’eau. Je suis tombée. Je me suis écorchée le genou en pensant que je porterai le souvenir de Touda à même la peau, que ce voyage m’aura d’une certaine façon marquée.

J’ai continué de marcher avec ce genou rouge et qui me rappelait, à chaque pas, que le corps n’est pas une machine et qu’il faut en prendre soin, le veiller en quelque sorte. Alors, à nouveau, j’ai ralenti et j’ai respiré. J’ai arrête de courir après ce je-ne-sais-quoi qui me tord le ventre parfois la nuit. Lentement, je me suis retrouvée. Un soir, j’ai dormi dans un champ au bord de l’eau, à la lisière d’un village, et je me suis promis cette nuit-là de ne plus jamais laisser l’angoisse m’envahir. Au réveil, je me suis immergée dans l’eau glacée de la rivière. J’ai laissé l’eau couler sur mes cuisses sur mon ventre dans mes cheveux. Le lendemain, j’ai observé les étoiles. J’ai confiné dans le moleskine à la lueur de la lampe ces mots-là.

Au fil des jours, j’ai essayé de comprendre les coutumes et la vie d’ici. Je me suis tue quand Saïd parlait des hommes et des femmes, des traditions et de cette complémentarité qui me semblait si éloignée de ma vision du monde. Du pouvoir des hommes, et des femmes comme clef de voûte de la famille.

J’ai compris, entre les lignes, que ce monde-là était si différent du mien que j’aurais, je crois, toujours un peu de mal à l’appréhender même avec la meilleure volonté du monde. J’ai compris, aussi, ma chance de découvrir cette culture de si près et à travers les yeux de Saïd et des veilleurs.


 

Une après-midi, les garçons ont acheté des œufs au chef du village, et ont donné de la farine pour faire du pain à une femme contre quelques dirhams. Plus tard, une jeune maman est venue à notre rencontre et nous a demandé de l’aide. Son bébé, âgé de quelques semaines était couvert de boutons. A travers son regard, on ressentait sa peur. Alors, on a écouté, on a pansé avec nos mots. On ne savait pas, on a fait pour le mieux.
Ce sont dans ces détails et échanges minuscules que j’ai entrevu la vie ailleurs, la vie simple et brute des gens d’ici. La vie où l’électricité et l’école sont un luxe et où les rituels et coutumes semblent des marqueurs sociaux rassurants.

J’ai perçu cette vie différente sans vraiment la comprendre ni savoir comment la transmettre et ce qui resterait de ces journées de marche quand je rentrerai en France. Alors, au fil des jours, j’ai commencé à poser des dizaines de questions à Saïd. Je voulais savoir, je voulais essayer de comprendre. J’aurais aimé, peut-être aussi et sans trop savoir comment, aider ce peuple berbère et lui tendre la main sans vraiment savoir, non plus, si cette main tendue avait sa place. Si c’était maladroit et déplacé. J’ai serré cette question-là sans trouver de réponse.

Un soir, quand les hommes du village se sont mis à chanter et danser, j’ai eu le cœur serré : serré de voir leur joie de vivre, leur émotion et de comprendre, aussi en filigrane, qu’ils n’ont, bien sûr, attendu personne pour être heureux.
Serré aussi de comprendre qu’ils faisaient partie intégrante de la magie de ce trek et que c’était grâce à eux, grâce à leur joie de vivre, grâce aux anecdotes rapportées sur les villages et les hommes croisés, grâce aux plats traditionnels préparés ; que j’avais pu entrevoir et pénétrer – un tout petit peu – dans cet ailleurs-là.


 

Le voyage a été organisé par Touda, et orchestré par Saïd. Le voyage revient à environ 450 euros la semaine par personne est comprend la pension complète, le trek – dont je vais vous parler dans les prochains articles -, les nuits à Marrakech et le transfert Marrakech – Touda.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site de l’écolodge dans le haut-Atlas.

 

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Écrire en voyage


 

Sac sur le dos, j’ai toujours trouvé que l’écriture de voyage, en voyage, portait en elle un goût particulier : écrire sur la route, écrire entre le point de départ et l’arrivée, écrire l’entre deux, écrire le quotidien éphémère et bancal, écrire et ouvrir les yeux. C’est à ce moment précis que l’imaginaire semble, doucement, se mettre en éveil.

J’ai écrit durant des dizaines de vols longs courriers. Dans des trains, des voitures, des parcs, des hôtels. Face à la mer et à la montagne. Dans le brouhaha des villes et, loin de tout, au milieu du désert. J’ai écrit l’imagination dévorante d’un pays encore inconnu et le rêve d’un quotidien à fabriquer. J’ai écrit le voyage avant d’atterrir sur le tarmac. J’ai écrit l’attente et les émotions brutes. J’ai écrit les départs et les séparations. J’ai écrit comme on se fabrique des repères temporaires. J’ai écrit des mots doudous et des peurs inexpliquées. J’ai écrit pour me rappeler, pour essayer de comprendre, pour me rassurer.

J’ai écrit dans des carnets, sur mon téléphone et mon ordinateur. J’ai écrit sur des tickets des caisse et des billets d’avion. J’ai écrit la fatigue, le manque et la joie. J’ai écrit les tremblements et les frissons de la découverte. J’ai écrit à la terrasse d’un café et entre deux avions. L’écriture m’a toujours semblé être un moyen de prendre de la hauteur, de mettre de la distance entre le réel et mon ressenti. C’est un jeu qui met en éveil la mémoire et les émotions. J’écris comme d’autres font des albums photos. Je cherche le mot juste. Je façonne le réel.

Au delà d’être un processus créatif, l’écriture m’apparaît comme un processus de mémoire.

 
 


 

J’écris du camion multicolore qui nous amène au départ de notre trek. Des petites routes sinueuses jusqu’à la vallée vallée d’Aït Bouguemez. De cette vallée heureuse où l’on partira pour quatre jours de marche dans l’Atlas. Sur la route, on croise quelques villages ocres et des hommes sur des mules. On vient de descendre du pickup et de traverser le marché de Tabant. Ici, on a croisé un arracheur de dents, chef du village, et une dizaine de personnes attendant son tour pour s’alléger et se libérer de la douleur.

Comme souvent, j’ai été frappée par ma chance : ma chance de me plaindre de mes dents fragiles tout en ayant la solution à quelques pas de mon appartement, la chance de pouvoir payer des soins dentaires même si c’est cher, même si c’est ennuyeux et, parfois douloureux. Ce qui semble acquis ne l’est pas de l’autre côté de la méditerranée.

Et même si je le sais, si je l’ai appris à l’école et dans des livres, si j’ai conscience de cette pauvreté ; se retrouver, tout à coup, au milieu du marché, face à ses personnes qui sourient malgré tout, vous saisit et vous ouvre les yeux.

 
 


 

C’est une des choses qui me fascine le plus avec la vie d’adulte : cette capacité constante à grandir et à aller au delà de mes limites. A aller aussi à la rencontre de l’inconnu. O oser et à élargir ma compréhension du monde. En grandissant, je me rends compte que je ne suis pas – juste – la petite fille timide et peureuse que j’ai longtemps pensé être. Voyager me permet, à chaque fois, d’écrire une nouvelle page.

Hier, avant d’enjamber un fossé qui me semblait bien trop large pour mes petites jambes, Saïd m’a affirmée que mon corps était plus fort que je ne le pensais. Il a ajouté que j’avais le temps et de le prendre. J’ai levé la tête. J’ai respiré et j’ai sauté par dessus l’eau et le vide. J’ai atterri sur mes deux jambes. Je ne suis pas tombée – ni morte.

Mon corps est fort. Le monde est plus vaste et riche que je ne peux l’imaginer. C’est pour ça que je voyage. Je change les cartes. Je les redistribue et je sors des cases. J’apprends, chaque jour, à gommer mes pensées limitantes et à découvrir ma force intérieure. J’apprends, en parallèle, la force infinie du corps.

 
 


 
Je suis partie, seule, un mois au Chili. J’ai marché, plusieurs jours, dans le désert marocain et au milieu de la jungle en thaïlandaise. J’ai nagé dans la mer en Guyane au milieu de caïmans. J’ai conduit dans des routes sinueuses et sur des chemins de terre. Je me suis perdue dans des villes inconnues et dont j’ignorais tout de la langue. J’ai partagé un repas, des anecdotes, un sourire avec des inconnus. Souvent, j’ai tremblé. Parfois, j’ai eu peur. A l’arrivée, j’ai toujours été fière de moi et de la personne que j’étais devenue : libre, autonome, curieuse et enthousiaste du monde qui l’entoure.

Je voyage pour comprendre le monde et sa richesse. J’écris pour pour me souvenir, pour m’approprier cet univers-là, pour éveiller ma créativité.
Et, qu’est qu’elle est belle cette vie-là.
 
 

Le voyage a été organisé par Touda, et orchestré par Saïd. Le voyage revient à environ 450 euros la semaine par personne est comprend la pension complète, le trek – dont je vais vous parler dans les prochains articles -, les nuits à Marrakech et le transfert Marrakech – Touda.
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter le site de l’écolodge dans le haut-Atlas.

 
 

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