
« Le sentiment de gratitude et d’humilité que chaque membre d’une culture donnée peut et doit éprouver envers tous les autres, ne saurait se fonder que sur une seule conviction : c’est que les autres cultures sont différentes de la sienne, de la façon la plus variée ; et cela même si la nature dernière de ces différences lui échappe ou si, malgré tous ses efforts, il n’arrive que très imparfaitement à la pénétrer»
Claude Levi-Strauss
Ce matin, je me suis réveillée avant que le jour se lève. J’avais l’impression d’avoir un temps infini qui s’offrait à moi. Alors, j’ai marché pieds nus jusqu’à la cuisine et j’ai fait chauffer de l’eau.
J’ai écrit la Guyane à mesure que le ciel devenait pastel et semblait annoncer, comme depuis quelques jours à Toulouse, une belle journée. J’ai écrit la Guyane en me rappelant de mes rêves là-bas, de ce sentiment de liberté et de cette petite voix à l’intérieur qui semblait alors un peu plus distincte.
Cela sentait bon l’été.


J’ai écrit, en pensant à tous ces voyages et rencontres qui me font grandir, et qui me donnent chacun à leur façon, la force de construire, ou plutôt d’essayer de construire, une vie à mon image. Qui me permettent de comprendre le monde qui m’entoure et ma place dans celui-ci.
J’ai pensé aux mots échangés, sur la plage, avec ce chef amérindien sur l’importance des traditions, de l’héritage et de la transmission. De cette nécessité, parfois, de prendre du recul avec sa propre culture, et l’ordre du monde associé, quand celle-ci semble un peu trop lourde à porter. Cette nécessité afin de construire, doucement, son monde à toi. De se construire. De s’éloigner de son quotidien, d’en découvrir d’autres, pour mieux apprivoiser et s’ancrer dans le sien.
Je me suis souvenue des mots de Marie-Pierre qui faisaient écho à mes interrogations, de son humilité et de son bienveillance. Alors quand, avant de partir, il m’a tendu son livre, j’ai souri de découvrir cette citation de Claude Levi-Strauss en exergue.
C’est pour ces rencontres, ces échanges et ces découvertes que je voyage.


Je le savais : en venant en Guyane, je trouverai peu de plages de sable fin et d’eau turquoise. Alors, j’ai troqué cette beauté-là contre une plage sauvage où l’on croise des dizaines de poissons lorsqu’on s’approche de l’eau, des tortues à la nuit tombée et où l’on entend au loin le bruit des singes dans la forêt.
A Awala Yalimapo, on a cuisiné, ri, trinqué à la Guyane et aux belles rencontres. On a répété Awala Yalimapo, de plus en plus vite, en s’efforçant de ne pas l’écorcher. Forcément, on finissait toujours par s’emmêler les pinceaux. Forcément, on essayé à nouveau.
On a mis de la musique, grignoté des chips de banane plantain et ronchonné contre les dizaines de moustiques. On s’est badigeonnés de crème et on a allumé de l’encens pour tenter de les repousser. On a marché sur la plage au crépuscule, vu le Suriname de l’autre côté du fleuve et des traces de tortues. On a partagé une chambre commune et quelques hamacs.
On a mesuré, à chaque instant, notre chance d’être là et de partagé ces moments-là ensemble.

Cette journée-là avait un goût particulier. Plus qu’une autre, elle était sous le signe des rencontres et de l’émerveillement : avec ce chef amérindien, avec Rita et sa famille où l’on a partagé un repas et un toit pour la nuit, et avec l’espérance de tomber nez à nez avec des tortues à la nuit tombée.
C’était doux, lumineux, authentique et incroyablement fort.




















