Vers huit heures, on a pris la route pour Cacao. C’était tôt et le soleil semblait déjà haut.
Sur la route, on découvrait pour la première fois les paysages guyanais. On s’éloignait de la ville et la route devenait à mesure plus sinueuse et étroite. On troquait la mer pour la forêt. Il y avait des arbres qui semblaient vouloir toucher le ciel et des criques qui donnaient envie de s’arrêter, de courir et de plonger. Je me suis souvenue de l’image de la veille, dans l’avion, quelques minutes avant d’atterrir à Cayenne. Du hublot, je ne voyais alors que des étendues de forêt. J’avais trouvé l’image impressionnante et j’avais cherché du regard les routes et les villes sans vraiment les trouver.
Alors voilà, nous, et notre petite voiture, étions là, au milieu de la forêt amazonienne et nous la traversions. C’était grand sauvage brut authentique. C’était un peu tout ça et cela me glissait des frissons.
Vers onze heures, on s’est arrêtés au marché hmong de Cacao. Les hmong sont des réfugiés laotiens. Fuyant la guerre d’Indochine, ils sont arrivés à la fin des années soixante dix. Aujourd’hui, ils vivent essentiellement de l’agriculture et se regroupent au marché de Cacao chaque dimanche. On a grignoté des beignets et siroté un Nam Vanh en s’enthousiasmant de cette atmosphère surprenante et chaleureuse au cœur de la forêt amazonienne. En observant aussi la beauté, la discrétion et l’élégance des hmongs. A l’intérieur se croisent des plats typiques, des fruits, des légumes ainsi que des accessoires brodés ou tissés contant l’histoire et le quotidien des hmong. Les odeurs se mélangent et, on ne sait tout à coup, plus vraiment si l’on est en Amérique du Sud ou en Asie. Alors, on respire et on ouvre les yeux. On savoure et s’émerveille.
Un peu plus tard, on est rentrés dans le musées des insectes. Au fond du musée, on découvre une sphère à papillons. On y entre et on est, tout à coup, en contact avec des dizaines de papillons. Il y en a de toutes les formes et de toutes les couleurs. Des jaunes, des bleus, des violets. Tous étaient silencieux et lumineux. J’ai senti un papillon bleu et noir se poser sur mon épaule et j’ai souri de cette magie-là. De la vie fragile et éphémère qu’ils portent en eux, de mon attention pour ne pas en blesser un avec un mouvement trop brusque.
Je suis rentrée au musée des insectes avec une certaine appréhension. Avec cette idée en tête, sûrement un peu bête que les insectes et moi ne serions jamais vraiment amis. Qu’ils étaient pas jolis-jolis et qu’ils faisaient souvent aussi un peu trop peurs. Et que, si l’on pouvait rester un peu éloignés, cela n’était pas plus mal. A la sortie du Planeur bleu , j’aurais pu – presque – avoir envie de faire un câlin à une araignée.
Le guide, passionné, nous a expliqué les serpents les mygales, et bien sûr aussi, les papillons. Avec beaucoup de douceur et de bienveillance, il nous a décrit leur diversité et leur importance au sein de l’écosystème. L’importance aussi de comprendre leur fonctionnement afin de les protéger et de les préserver.
Je suis ressortie avec un grand sourire et en ayant l’impression de comprendre un peu mieux ce qui se cache à l’intérieur de la forêt amazonienne et de la Guyane.
Vers treize heures, on a déjeuné à La belle vue et le restaurant n’aurait pas pu mieux porter son nom. J’ai pris des dizaines de photographies en me demandant, comment souvent, si l’on pouvait se faire à cette vue-là, si on pouvait un jour oublier de l’observer et de le regarder. J’ai mangé sans trop savoir si je m’émerveillais des plats préparés au feu de bois, de l’horizon, ou, et sûrement, un mélange des deux. Alors, j’ai répété plusieurs fois que tout, tout, était parfait.
Après le déjeuner, on a repris le route vers Kourou. On a ouvert les fenêtres, mis de la musique qui sent bon le soleil et profité du spectacle qui s’offrait à nous à travers les fenêtres. Un peu avant le coucher du soleil, on a remonté le fleuve dans une pirogue traditionnelle pour rejoindre le lodge pour la nuit. Le ciel se couchait et on avait l’impression d’être un bout du monde. C’était beau et incroyablement apaisant.
Quand on est arrivés, des centaines de bougies étaient allumées et on enttendait le bruit de la forêt. Il faisait nuit. C’était incroyablement beau.
S’il y a bien une chose qui me fascine, c’est de découvrir des lieux avec une identité particulière. De ressentir le cheminement des architectes et des propriétaires : de comprendre, d’une certaine façon, les valeurs et le message qu’ils souhaitent transmettre. Je me dis que c’est une suite de choix qui permettent de créer un endroit intime et particulier – un peu de la même façon que lorsque je crée une identité graphique, avec une dimension tangible supplémentaire qui me fascine. Je ne suis pas vraiment le genre de personne à prévoir un itinéraire détaillé avant de partir, mais je regarde toujours les hôtels et les maisons d’hôtes avec beaucoup d’attention et d’étoiles dans les yeux. Il m’arrive aussi, parfois, de faire un détour pour une nuit ou de modifier mon itinéraire.
Je ne recherche pas le luxe. Je recherche, en revanche, l’humain et ses belles émotions. Je crois en la richesse du partage et des échanges. C’est pour cela que j’aime voyager.
Le Wapa lodge, maison d’hôtes de bois et de bougies, au cœur de la forêt amazonienne restera un de ces lieux un peu particuliers. Un lieu qui marque et qui vous ancre. Je me rappelle du repas partagé sur la grande table en bois, du massage parfait avec le bruit de la forêt en fond et des échanges passionnés avec les hôtes à la nuit tombée. C’était beau-authentique-magique.
Je suis repartie un peu plus apaisée et avec des étoiles dans les yeux, et avec cette envie de comprendre le monde qui m’entoure.