Et, se sentir imploser.
Et, se sentir imploser.
Se souvenir des belles choses. Toujours.
{ carnet d’instantanés et de sourires }
Samedi,
Ici, il fait froid et le café ne semble jamais assez chaud assez fort. Le quotidien prend une allure de révisions lorsque la rentrée approche. Il faut à nouveau ouvrir les classeurs, relire les fiches et en commencer des nouvelles. Annoter les préfaces, les livres aux programmes. Et quand je relis un poème de Verhaeren pour la énième fois, je me sens vide, vidée. Mes notes et mes connaissances me semblent si fragiles, en équilibre. J’ouvre mes cours de première et de deuxième années avec toujours cette même sensation de vacuité intellectuelle. Je ne sais rien, ou pas assez. Jamais assez. L’emploi du temps sur le bureau n’est toujours pas fait, tout ne peut rentrer. Je dois supprimer, jeter, jouer à saute mouton avec les cours. L’organisation de l’université me donne un goût d’inachevé, un goût amer. Il faut se battre afin de pouvoir suivre des cours, se battre pour faire une validation d’acquis. Cette administration aurait pu être une merveilleux thème kakfaien.
Je tremble devant tout ce capharnaüm.
Se battre, oui, mais pour vaincre quoi? qui?
Vendredi,
Les mots vibrent sous l’impulsion de la vie-même.
Hier, c’était au dessus des nuages entre Toulouse et Madrid que je gribouillais des mots sur une feuille blanche. Je crois avoir écrit que voler n’était pas toujours le signe de la liberté. Je volais comme un oiseau, comme un oiseau en cage. Les larmes coulaient sur mes joues et le passager à coté me souriait. Il y avait la joie de vivre apposée à ses lèvres. Je pensais à Eluard et ses vers me faisaient palpiter. Le bébé derrière moi hurlait son existence et son père semblait si fier de ce petit trésor qu’il avait sur ses genoux.
J’ai souris à travers mes mots en survolant la frontière, en mirant leur joie de vivre à eux trois. J’écoutais le voyage, cette atmosphère spéciale, ce mélange d’échos espagnol et français. Le mélange de langues a quelques choses de sublime. C’est lors de ces voyages qu’on s’apprend, on se découvre différemment. On ouvre une partie de nous même et lorsqu’on atterrit, on se sent un peu plus grande. On est différente. On se sent un peu spéciale, un peu unique comme lorsqu’on ressort d’un concert, d’un film ou d’un livre percutant. On est plus tout à fait la même, on est là. On se découvre à nouveau. On a confronté notre individualité à notre milieu au monde à l’univers. Qu’on ait pensé, médité ou ri de toutes nos forces, on s’est heurté à nos limites, au frontière de notre conscience. On a déplié la carte de notre existence, on a cherché les meilleurs itinéraires. Dans ces moments là, on se cogne à nous même et l’on se sent exister.
C’est beau et éphémère. C’est la magie de la vie.
Cet avion transportait des perles, des perles de bonheur entre deux pays.
A l’arrivée, je me sentais un peu rassurée. Papa était là, il me souriait comme si je n’étais jamais partie. L’ellipse temporelle avait eu lieu. Je grelottais. Les voix espagnoles se dispersaient dans l’aéroport. A mesure que nous avancions vers la voiture, les paillettes madrilènes s’évaporaient dans le décors. Le voyage s’amenuisait jusqu’à disparaitre. Des mots chuchotés, je racontai mon fabuleux voyage de plus en plus fort pour le garder encore quelques minutes au creux de moi.
Dans la voiture, seul les souvenirs étaient encore là.