Le dernier jour à Valparaiso


 

C’est le dernier jour à Valparaiso. Cela fait une semaine, sept dodos que je suis arrivée ici. Sept dodos et j’ai l’impression d’y avoir posé mes valises depuis des semaines. J’écris de la chambre d’hôtel et je regarde la ville illuminée une dernière fois par la fenêtre. L’ascensor vient de s’endormir. Il s’éveillera demain matin à sept heures.

Il est un peu moins de vingt-trois heures et mes yeux se ferment déjà. Je me rends compte de la rapidité où l’on peut prendre ses marques dans une ville inconnue. Où chaque jour l’inconnu se transforme en une terre un peu plus connue, un peu plus rassurante. De la façon de se sentir chez soi dans n’importe quelle ville du monde.

Ce matin, je suis allée travailler dans ce café qui surplombe la ville. J’y ai travaillé quelques fois cette semaine. Et, à chaque fois, je commandais la même chose. Un té con leche por favor. Et à chaque fois, le serveur me demandait si je voulais du lait chaud ou froid. Il ajoutait : ¿ Separado ?

Ce sont des petits riens, des marques de rien du tout. Un sourire partagé, un nom de rue reconnue, une odeur de café ; des bricoles qui font que l’on se sent un peu à sa place, doucement un peu à la maison ici ou ailleurs. Aujourd’hui, pour la première fois, on a échangé quelques mots supplémentaires et j’avais l’impression de faire, durant quelques instants, partie de ce quartier-là.

 
 


 

Un peu plus tard, je suis allée au marché qui donne sur la mer. Je voulais voir la mer une dernière fois et y déjeuner avant de quitter Valparaiso. J’ai commandé, encore, un ceviche. Le ciel était bleu et j’avais du sable sur les jambes. Un groupe de musicien s’est invité sur la petite terrasse du restaurant. C’était doux. J’ai pensé à sortir mon appareil photo pour conserver une image de ce moment-là. Et puis, je l’ai laissé se reposer. J’ai fermé les yeux et j’ai respiré.

Dans l’après-midi, j’ai marché jusqu’à la maison rouge et bleue de Neruda. La Sebastiana .Neruda fait partie de ces personnes qui me fascinent, ces personnes qui me semblent à la fois incroyables tant sur la plan personnel que, disons, professionnel. J’aime sa folie, sa poésie et son engagement. J’aurais aimé qu’il soit mon ami, partager un repas et sa vision du monde. J’appréhendais la visite et je croisais les doigts pour ne pas en entendre trop. Et puis, je me suis laissée transporter. J’ai aimé visiter cette maison qui ressemble justement à une maison et où l’on s’attend à croiser le poète au bout du couloir. C’est loin d’une maison-musée sans âme. C’est beau, et incroyablement poétique.

 

 


 

Alors, j’ai pris le temps de ressentir chaque pièce. D’observer la vue et d’imaginer le quotidien dans cette maison perchée. J’ai pris le temps et j’en suis ressortie avec un bout de poésie au creux du ventre. J’avais ces vers-là qui me collaient au corps :  muere lentamente quien no viaja, quien no lee, quien no escucha música, quien no halla encanto en sí mismo.

Dans le taxi pour rentrer à l’hôtel, le chauffeur m’a demandé ce que j’avais vu du Chili, ce que j’avais aimé et où j’irai ensuite. Je lui ai répondu que je ne savais pas encore, que le Chili me semblait trop grand, trop beau et que je ne savais définitivement pas choisir. Alors, il m’a parlé du désert d’Atacama et de sa floraison. Il m’en a parlé avec tant d’étoiles dans les yeux qu’au retour, je réservais un vol pour lendemain. Je ne sais pas encore très bien la façon dont je vais m’organiser sur place, si je louerais une voiture ou si je réserverais des excursions.

Je ne sais pas et j’aime cet inconnu et cette liberté-là.

 

 
 

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Allez, on reste ?


Allez, on dit qu’on reste. Le matin, on regardera les couleurs du ciel du lit. On étirera nos rêves par la fenêtre. On étalera de l’avocat et de la bonne humeur sur nos tartines.

Vers onze heures, on ira flâner dans les rues de Valparaiso et on s’étonnera, encore, des couleurs. Du ciel, des immeubles. On imaginera la vie à l’intérieur des maisons jaunes rouges roses bleues. On se demandera si vivre dans la petite maison bleue doit rendre forcement un peu fleur bleue. On en rira et on marchera jusqu’au marché de poissons. Cela sera un peu loin mais on savourera le soleil sur notre peau. Sur le chemin, on sirotera un jus de fruit frais. Il fera beau, oui, forcement, il fait toujours beau au bout du monde, non ?

On passera devant cette université qui a des allures de château d’Harry Potter et on se surprendra à vouloir redevenir étudiants. Au marché, on dévorera un ceviche de poisson avec un verre de vin blanc en s’étonnant de la proximité les lions de mer. On se laissera bercer par les mots en espagnol. On ne comprendra pas tout et cela ne sera pas le plus importants. On en saisira à la volée et on en tricotera des phrases.

Avant de repartir, on ira sur la plage. Le sable sera brulant. En quelques secondes, je serai en maillot. Je voudrais me baigner et je te dirais de venir avec moi. J’oublierais que l’eau est glacée et que l’Antarctique est à quelques milliers de kilomètres. Je sursauterais et tu en riras.

Quand on rentrera, on fera le tour des galeries d’art. On s’émerveillera des œuvres sur les murs et de la place centrale de l’art ici. On travaillera, on travaillera avec cette vue-là à couper le souffle sans savoir si c’est nous qui veillons sur l’océan ou si c’est lui qui veille sur nous. Un peu avant le coucher du soleil, on ira prendra un verre. Alors, forcement encore, on s’émerveillera des couleurs du ciel. Forcement, on se dira qu’on est drôlement bien ici.

Allez, on reste ?

 

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Les couleurs de Valparaiso


 

De la fenêtre, j’observe les toits de Valparaiso.

Et à chaque fois que je tourne la tête – souvent, très souvent -, je me répète que cette vue est incroyable. Cela fait cinq jours que j’ai posé mes bagages ici, et cinq jours que je souris en regardant à la fenêtre. Au bout de combien de temps se lasse-t-on des couleurs de Valparaiso ?  Se lasse-t-on un jour d’ailleurs de ces couleurs-là ?

Cette semaine, et peut-être plus qu’une autre, je me rends encore compte de ma chance de pouvoir travailler à travers le monde, de gérer mes horaires et mon travail comme je le souhaite. De pouvoir faire d’une chambre d’hôtel, d’un café ou d’une bibliothèque ; des bureaux éphémères pour quelques heures ou journées. De la chance aussi d’avoir des clients confiants qui m’encouragent et me répètent, sourire aux lèvres, de profiter quand je leur annonce une prochaine destination.

Je sais que c’est ça, vraiment, qui me rend heureuse.

 


 

Je sais bien aussi que l’équilibre entre travailler et voyager est complexe et délicat à trouver et, surtout, à conserver. C’est, j’imagine, ce qui le rend autant précieux. C’est d’ailleurs une question que l’on me pose souvent lorsque j’évoque cette nécessité de voyager. Je réponds alors, toujours, que je travaille mieux en voyages. Vraiment. Ce n’est pas une tournure. Je suis plus créative, plus inspirée et éveillée. Je suis aussi plus efficace et organisée. Je sais que mon temps est compté, et combien, il est précieux.

Alors, je m’éparpille moins. Je suis heureuse et enthousiaste. Je fais des listes. J’agis par priorité. J’essaie de consacrer mes matinées à mes clients. Mais là, encore, vous savez, travailler dans un café au bout du monde à quelque chose de magique et doux. On ne travaille pas vraiment de la même façon de chez soi qu’au Chili au bord de la mer ou, encore, dans un riad à Marrakech. Je profite des après-midis découvrir la ville. Parfois, j’alterne. J’essaie d’écouter mon rythme et mes envies. Je suis à l’écoute de mon intuition et de mon corps. Je suis en éveil et je me fais confiance. C’est l’essentiel. Je marche plus, je m’étonne, je regarde, j’oublie mon ordinateur, et, forcement, je dors et travaille ensuite mieux. Je sors ma zone de confort.

Le décalage horaire – et géographique – me permettent aussi de prendre du recul. C’est doux et léger. Je suis sereine et apaisée. A Toulouse, j’ai parfois tendance à perdre l’équilibre et à me laisser, parfois encore, aspirer par les urgences. C’est rarement le cas en voyages. Et si cela arrive, le décompte des jours qui passent et qui me rapprochent du retour me rappelle cette nécessité de savourer chaque jour.

Voyager me rappelle finalement l’importance de vivre. Tout de suite. Maintenant.

 


 

Hier, on a mis en ligne la refonte graphique du blog de Chloé et j’ai l’impression d’avoir un petit poids en moins au creux du ventre depuis.

Quand l’on porte un projet depuis mois, on s’y attache. Avec les semaines, il devient de plus en plus imposant. Souvent, mes clients comparent la création d’un site, et plus largement d’une identité graphique, à la naissance d’un enfant. Cela me fait toujours sourire, parce que je dis souvent de mon coté que mes projets sont comme mes bébés et j’ai toujours un peu de mal à m’en détacher une fois qu’ils sont terminés.

Je me dis que le blog de Chloé est un peu né au Chili et l’idée me donne des frissons. Pour l’anecdote, Chloé a fait le même master Web Editorial que moi à Poitiers et c’était doux de se replonger, d’une certaine façon, dans ces années-là. On y a glissé beaucoup de nous, d’amour – et de nos heures de sommeil – et j’espère qu’il vous plaira.

Depuis, je me sens un peu comme le premier jour des grandes vacances – avec, cette fois, des nouveaux jolis projets qui commencent.

 


 

Aujourd’hui, j’ai marché dans le rue des Valparaiso. Je suis montée, je suis descendue. Je suis montée, encore. J’ai pris le temps. Je suis allée au marché de poissons sur le front de mer et j’ai observé les lions de mer. J’ai respiré. Un peu plus tard, j’ai déjeuné un ceviche de salmon en pensant que je pourrais vivre de ceviche et de soleil.

J’ai pris le funiculaire. J’ai siroté un jus de mangue dans un café qui porte le nom de Pierre Loti en répondant à mes mails. J’ai oublié la carte et j’ai marché sur le territoire. Je me suis perdue. Je me suis retrouvée. Je suis rentrée dans des boutiques de créateurs artisanaux, et dix fois, j’ai voulu tout acheter. J’ai pris des photographies. Je me suis fait confiance.

Quand je suis rentrée à l’hôtel, j’avais  un mail de Béatrice, une chilienne vivant à Santiago. A l’intérieur, elle m’écrivait apprécier mon travail et souhaiter que je m’occupe de l’identité visuelle de son entreprise. Quand je lui ai répondu que j’étais justement au Chili et que je serai à Santiago à la fin de la semaine ; elle m’a répondu que c’était maravilloso. Et moi, j’avais déjà des poignées d’étoiles dans les yeux à cette idée-là. Je tisse des liens entre le Chili et la France.

Alors, forcement, encore, je souris. Oui, je souris beaucoup au Chili.

 

 


 

 

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