Note du dimanche

Je rentre de week-end.
Dans dix petites minutes, on s’envole pour un restaurant entre amis, puis vers le festival Inox avec Bob Sinclar. Mes petits yeux se ferment déjà. L’université a été débloquée par une société privée durant la nuit de samedi soir dans l’ignorance de tous. Toutes les grilles ont été retirées. On ne sait pas encore pour autant quand les cours auront lieu. Le président attendrait-il que les pro-bloqueurs et les anti-bloqueurs fassent la guerre demain matin comme l’année dernière pour décider du gagnant?
Je vous laisse avec un article du Nouvel Observateur.

Cela m’attriste.


Une bonne soirée.

Une balle dans le coeur

L’université, ce grand corps déjà malade, vient de subir des lésions probablement irréversibles. Le verdict, hélas : tous coupables !

J’admire et je plains en même temps celui qui, devant cet interminable conflit des universités, peut continuer de proférer des jugements unilatéraux, à l’emporte- pièce, du type «la faute aux manipulateurs gauchistes !» ou, à l’inverse, «machination du pouvoir !». Une seule chose paraît certaine : l’université, ce grand corps déjà malade, vient de subir des lésions probablement irréversibles. Le fossé qui s’était creusé entre la fac et les grandes écoles s’est encore élargi au point de devenir infranchissable (qui aujourd’hui oserait encore préconiser leur fusion ?). En matière d’enseignement supérieur, voire de recherche, la France, qui fut longtemps une avant-garde planétaire et n’a guère d’avenir en dehors de la matière grise, cette France-là est en train de glisser doucement, au milieu d’une indifférence croissante, vers le tiers-monde. C’était présomption de la part du pouvoir d’imaginer que, grâce à l’élection récente de Nicolas Sarkozy et à l’idéologie libérale alors dominante, le vote d’une loi, la loi LRU sur l’autonomie, suffirait à métamorphoser d’un coup la vieille université napoléonienne et égalitaire en un essaim bourdonnant d’établissements concurrentiels et diversifiés, tendus vers l’innovation et l’efficacité. C’était folie, surtout, que d’avoir camouflé en réformes de structure des mesures inspirées uniquement par le souci d’économies budgétaires, telle la fameuse «mastérisation» de la formation des enseignants.

Folie aussi, dans le camp d’en face, que la constitution de ce vaste front gaucho-mandarinal de résistance à tout changement, comme si la massification de l’enseigne ment supérieur pouvait encore s’accommoder de structures uniformes, héritées de Victor Cousin et de Jules Ferry. Folie, de la part des meneurs syndicalistes et étudiants, d’imaginer que l’on peut paralyser une université pendant une demi- année scolaire et s’en tirer par quelques vagues bricolages de cours à la sauvette et d’examens bidon, voire par l’attribution automatique de diplômes de «blocage».

Naïveté et apathie de la masse des étudiants, qui se sont laissé imposer la loi de minorités manipulatrices et souvent violentes, sans penser que la valeur des diplômes sur le marché du travail s’en trouverait durablement affectée. Quel mépris du savoir au profit du parchemin !

Inconsistance, enfin, de la part du PS, cet autre grand corps malade, au départ favorable à l’autonomie, ballotté par l’événement et incapable d’envoyer un message utile aux professeurs, aux étudiants, au pouvoir, à la nation…

Les dégâts, je le répète, seront importants, bien plus qu’en 1968 où, pour des objectifs infiniment plus ambitieux, les «événements» n’ont commencé que le 4 mai, alors que les cours étaient sur le point de se terminer. Il n’est sorti du mouvement actuel aucune idée nouvelle, aucun enthousiasme, aucune résolution. C’est peu de dire que le prestige de l’université française, déjà bien bas, s’en trouvera affecté; que le déficit d’étudiants venus des grands pays industriels en sera accentué. On va voir, dès la rentrée, se développer la pire des sélections, une sorte de darwinisme culturel au détriment des facs et des départements les plus clochardisés. Il est difficile d’aider à vivre un grand corps social qui n’attend ses règles et ses ressources que d’un Etat qu’il déteste; encore plus difficile d’empêcher le malade de se tirer une balle dans le coeur.

Jacques Julliard

Le Nouvel Observateur

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