
Avoir peur. Regarder en bas, en haut. Faire un premier pas, respirer. Attendre et reprendre, enfin, son souffle. Trouver des excuses pour ralentir. Faire une pause. Avancer. Un pas après l’autre. Monter la seconde marche, à nouveau, respirer. Prendre le temps. Se répéter comme un mantra : petit à petit, l’oiseau fait son nid. Avancer. Arrivée, observer le chemin parcouru et sourire.
Quand je descends les escaliers, j’ai souvent un peu peur. Ceux qui me connaissent doivent sourire en me lisant : les escaliers et moi, c’est une drôle de relation. Mon corps a gardé en mémoire une mauvaise chute et me le rappelle à chaque fois que je dois descendre des escaliers. Je sens, tout à coup, mon cœur qui se serre. Je me tiens, je me cramponne. J’ai peur. Je descends chaque marche en anticipant la chute. J’ouvre grand les yeux. Je ralentis. Je descends doucement. Tout doucement. Je me veille.
Depuis cette chute, j’ai pris conscience de ma vulnérabilité et de ma fragilité. J’ai pris conscience que, à tout moment et sans l’avoir anticipé, je pouvais tomber et que tout pouvait s’arrêter. Qu‘une action simple et quotidienne pouvait devenir du jour au lendemain compliquée. Depuis cette chute, je ne sais plus dévaler les escaliers de manière instinctive et légère. J’ai perdu cette spontanéité-là. Je n’y avais jamais vraiment pensé avant et je n’avais jamais anticipé une chute.
En tombant, j’ai pris conscience de mon corps. J’ai pris conscience à la fois de sa force pour me porter chaque jour mais aussi qu’il n’était pas un robot infaillible. Je ne sais pas si vous avez déjà réfléchi à la confiance que vous donnez à votre corps tout juste avant de vous laisser tomber sur une marche et qu’il vous réceptionne : mais c’est dingue, non ?


Cet incident, c’est un mal pour un grand bien. Si j’ai depuis souvent cette angoisse au cœur lors d’une descente, j’ai aussi appris à apprivoiser et relativiser ma peur. J’ai pris conscience de mon corps et de ce lien précieux et instinctif qui nous lie – et plus généralement, de cette confiance naturelle que je tisse quand je rencontre une personne ou débute un projet. Je me concentre sur le positif.
Je sais bien que la peur n’empêche pas le danger. Au quotidien, je me concentre sur le positif. La liberté est ce qui me semble de plus précieux à mes yeux.
Alors, je sors Holly à la nuit tombée. Je garde mon téléphone à la main dans le métro et le pose sur la table à la terrasse d’un café. Je ne ferme pas systématiquement ma porte d’entrée non plus. Je fais confiance en la vie, je me fais confiance. J’écoute mon corps et mes émotions. J’ai offert mon affiche au format PDF tout en la vendant – en me faisant traiter de folle par la plupart de mes amis. C’était essentiel à mes yeux d’avoir cette démarche d’ouverture et je crois que j’ai eu raison de m’écouter.
Je ne crois pas que se sur-protéger empêche le danger. Je crois que ce qui doit arriver, arrivera nécessairement. Pour l’anecdote, je ne suis jamais autant tombée dans les escaliers depuis que j’ai peur et que je les descends à la vitesse d’une tortue. J’ai accepté d’être photographiée une première fois en Thaïlande, puis à Toulouse malgré ma peur. Et tout doucement, j’apprends à ne plus faire la grimace en regardant des photographies où je me vois. Et, vous savez quoi, moins j’angoisse, plus cela me semble simple et naturel. Le danger semble souvent beaucoup plus impressionnant de loin.

J’ai appris à accepter mes pensées et mes angoisses. Je les comprends et elles font partie de moi. Je me suis aussi promis de ne jamais m’empêcher d’avancer, de créer ou de m’engager à cause d’une peur. J’ai le droit d’avoir peur. J’ai le droit de trembler, de pleurer et d’exprimer ma peur. J’ai le droit d’avoir une boule au ventre. J’ai le droit d’avoir peur de le regretter et de me tromper. C’est humain.
En revanche, et si j’écoute et prends en compte mes peurs – je ne cours plus dans les escaliers -, j’essaie toujours que ma peur ne me paralyse pas et ne m’empêche pas d’avancer. Je me souviens de cette randonnée en Thaïlande où je m’imaginais glisser et mourir en descendant sous la pluie les rochers. Je me souviens de mes jambes tremblantes et de ma fierté de l’avoir fait, d’y être arrivée. Un peu plus tard, il y a tous ces temples Maya grimpés au Mexique et, surtout, descendus avec ce mélange de peur-fierté. Et puis, il y a quelques semaines, enfin, ce jeu de funambule au sommet des dunes, ou, non, non, non, je ne me suis ni morte ni tombée.
Cette gestion de la peur est le fil conducteur de mon entreprise. Je ne suis pas issue d’une famille d’entrepreneur et des choses minuscules me semblent souvent être un monde. J’avais très peur de passer du statut de micro-entreprise à SASU. J’avais peur de déposer mes statuts ou de rentrer dans une banque expliquer mon projet. J’ai souvent peur quand un nouveau client accepte mon devis de ne pas être à la hauteur. Souvent, je ne me sens pas légitime. Alors, je respire et je me répète que tout ira bien. J’apprends à me faire confiance. Je ne veux pas que ma peur devienne limitante. Je compose avec. Je ralentis. Je serre la rambarde un peu plus fort. Je respire, et j’avance doucement de marche en marche, et de projet en projet.
Et, à chaque fois, à l’arrivée, je suis un peu plus fière de moi et sereine. J’essaie de faire de ma peur un tremplin et de la transformer en énergie positive.
Allez, on dit que tout ira bien ?
La dernière photographie a été prise par Arthur Ghilini (même pas peur au sommet des dunes, non, non, non !) et les trois premières par Christophe Levet dans le désert marocain.
Merci, merci à vous deux. Grâce à vous, j’ai des étoiles dans les yeux quand je pense à ce voyage, et j’ai en plus des jolies images.
Partir avec des photographes talentueux, c’est quand même drôlement chouette. On repart quand, dites ?
















