Les marais de Kaw, Guyane


 

Si je ne devais retenir qu’un lieu, qu’un instant, de ce voyage en Guyane ; cela serait, sans hésiter, cette balade hors du temps en pirogue traditionnelle sur les marais de Kaw.

On est arrivés vers vingt heures à Kaw. On a grimpé dans la pirogue pour rejoindre l’écolodge flottant au milieu des marais. Dans l’obscurité, on entendait des bruits. Parfois, on devinait des formes. Le guide ralentissait et nous montrait, alors, des animaux au loin. Le souffle coupé, on se retenait de s’exclamer pour ne pas les faire fuir. Malgré tout et lorsqu’on s’approchait, ils disparaissaient dans la nuit noire. Les heures de route pour arriver dans la réserve naturelle semblait, tout à coup, évaporées. Ce soir-là, je n’ai pas vu grand chose. Ma vue baisse à la nuit tombée. Mon imagination était en ébullition. J’étais apaisée et je serrais fort cette émotion-là en moi. J’ouvrais les yeux. Je respirais. J’étais sur l’eau et dans un nuage. Je n’ai pas pris de photographies. Je voulais conserver, je crois, ce moment égoïstement. Je voulais le vivre.

Vers vingt-deux heures, lorsqu’on est arrivés sur notre maison flottante, j’ai pensé à l’Egypte et à notre découverte, les yeux grands ouverts, du Steam Ship Sudan. Il y avait les mêmes émotions, la même beauté, le même imaginaire d’enfant qui surgissait. Le sourire aux lèvres et en silence, on a déposé nos affaires dans les chambres à marais ouvert avant de se rejoindre pour le diner, et pour trinquer à cette vie-là.

On était tous fatigués. Et, malgré tout, ce diner-là avait un goût d’exception. Sûrement grace au cadre, et du fait aussi que c’était notre dernier repas, ensemble, en Guyane.  Alors, on a ri beaucoup. On a serré notre chance. On s’est peut-être aussi confiés un peu plus. On a étiré cette magie-là et on a trinqué à nos futurs voyages.

 

 


 

Le lendemain, je me suis réveillée avec la lumière du jour. Je n’avais pas mes lunettes. Alors, j’ai découvert les marais flous. Le bleu et le vert se mélangeaient. Au loin, on apercevait la brume. J’ai  aperçu Julie penchée sur la rambarde qui observait l’horizon. Elle était de dos, et à ses gestes lents, j’ai su qu’elle était émerveillée. On aurait dit un tableau impressionniste.

J’ai pris mon appareil photo, mes lunettes et je me suis approchée sur la pointe des pieds. Le silence porte en lui quelque chose de précieux. A moitié eveillée, j’ai pris une photographie pour me souvenir de ce moment et de ces émotions particulières.

Un peu plus tard, on est partis découvrir l’intérieur des marais de jour, cette fois. J’aurais pu rester des jours à découvrir ces paysages. C’était beau et apaisant : les oiseaux qui s’envolaient lorsqu’on approchait, les vaches qui semblaient prendre leur bain, le jeu du ciel entre soleil et nuages gris.

 

 


 

Si on me demandait de définir la poésie, au détour d’une conversation, je crois que je ne saurais pas vraiment y répondre de manière précise et tranché. J’ai gribouillé, pensé, réfléchi, trituré, débattu durant des heures, de la définition de la poésie quand j’étais étudiante en lettres. J’ai observé ce mot sous tellement d’angles qu’il est devenu, au fil du temps, flou.

Je sais reconnaitre la poésie, ou plutôt ce que pour moi représente de la poésie. Je sais écouter ma petite voix et mon ressenti. Je sais dire quand cela me touche, quand cela me colle des frissons et des papillons au creux du ventre. Je sais la chair de poule sur mes cuisses. Je sais dire c’est beau, cela m’émeut. Je sais aussi dire quand, au contraire, cela ne me touche pas. Quand je ne ressens rien.

Je sais et j’ose, au fil des années, le murmurer un peu plus fort. Je crois qu’il n’y a pas de de juste milieu dans les émotions.

 

 


 

Je ne sais pas définir la poésie de manière universelle ou dogmatique. J’ai ma propre définition de la poésie. Je sais aussi que c’est la poésie du quotidien qui m’émerveille et éveille chaque jour. Que c’est elle que je recherche. Je cherche la lumière, les matières, les sonorités. Je cherche l’équilibre et l’harmonie.

La poésie, c’est la mélodie de la nature et mes yeux encore endormis. C’est la vie, la vraie. Ce sont les marais de Kaw, un coucher de soleil sur la plage d’Awala-Yalimapo et les tortues qui viennent, quelques heures plus tard, rejoindre la plage. C’est une range de hamac, un fauteuil suspendu et la grâce de Celine. Ce sont des mots gribouillés sur un moleskine, un Polaroïd sur-exposé pour se souvenir et le vent sur la peau sur un voilier pour rejoindre les îles du salut.

Et pour vous, c’est quoi la poésie ?

 

 

 

 

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C'est promis

Vos commentaires
sont des petites douceurs
Mille mercis à vous

  1. J’aime ta définition de la poésie du quotidien. C’est celle qui me parle, à moi aussi.
    Et ce voyage a l’air d’avoir été vraiment particulier, et beau.

    Répondre
    • <3
      Je crois que c'est aussi pour ça que j'aime te lire, je retrouve dans tes images et mots cette poésie que j'apprécie tant.
      Et oui, la Guyane fut un voyage vraiment particulier, surprenant et riche.

      Répondre

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