¡ Hola Santiago !


Je suis à Rome.

Je suis entre deux avions, entre la course et l’atterrissage. Mon prochain vol est dans deux heures. J’observe les voyageurs et je me demande d’où ils viennent, où ils vont et dans quel but. J’imagine leur langue et je me raconte leur histoire. Ils partent au bout du monde. Ils sont heureux, et forcement, oui, forcement, ils sont amoureux. Ils sont beaux.

Chaque soir, je m’endors en imaginant les mots que je pourrais écrire ici. Je me dis qu’il faut que je prenne le temps, que ce rendez-vous en tête à mots me manque. Que vous me manquez, oui, voilà, vous me manquez. Comment fait-on, à nouveau, le premier pas-mot ? Je tremble un peu, et puis, je souris, parce que je sais déjà bien que je ferai comme toujours, parce que c’est la seule façon que je sais faire de toute façon : j’écrirais, j’écrirais et les mots sembleront doucement faire sens et se mettre dans l’ordre.

Alors, je m’endors la tête remplie de mots, de voyages et de couleurs. Je m’endors en racontant le Maroc, la montagne et le bel été. Je danse. Je ris. Je suis en vie. Ma tête déborde de virgules, de parenthèses et de points d’interrogations. Je m’endors en écrivant-créant-dessinant et en pensant à toutes les choses que j’aimerais vous écrire et vous demander : de quelle couleur fut votre été ? Il fut heureux, dites ?

Le matin, je reprends la course. J’essaie de tout boucler tout finir tout assurer. Je réponds aux mails. Je dessine, je code, j’écris. J’envoie mes petites affiches et je me surprends parfois à imaginer les suivantes. Je vais au marché. Je nous prépare des plats simples. Parfois l’après-midi, on va au parc. On troque alors l’ordinateur pour un livre. On prépare des gâteaux à partager pour le goûter et l’odeur donne des airs de campagne à l’appartement. On travaille à nouveau. On dine, on voit des amis, on lit. On travaille encore un peu avant de dormir. Et malgré la course, malgré les délais souvent serrés ; chaque jour, on prend le temps de vivre, on s’impose cette rigueur-là, celle de prendre soin de nous avant tout. Celle de la vie précieuse que l’on ne saurait laisser filer. Pour notre équilibre, pour notre bonheur et aussi, parce que c’est de cette façon-là, je crois que l’on crée le mieux.

Cela fait trois, peut-être quatre, mois que je n’ai pas écrit ici et cela me semble une éternité. Trois mois à me dire que cela viendra, que cela revient toujours et que, surtout, il ne faut pas forcer les choses. Que je ne veux rien m’imposer. Trois mois à travailler un peu plus que de raison, à étirer les journées, et à me promettre que cela ira mieux dès l’été passé. Trois mois à me promettre de ralentir dans un deux trois jours, trois mois à étirer mes promesses. Trois mois, aussi, à chouchouter Holly et à lui préparer, chaque jour, des petits plats maison pour essayer de lui faire prendre à nouveau un peu de poids. Petit à petit, l’oiseau fait son nid. Trois mois, et le ciel bleu au dessus de notre tête, les après-midi improvisés à la mer et les piques-nique partagés à la nuit tombée face à la Garonne.

Trois mois, et l’été qui se termine.

 


Je suis à une heure de Santiago. Je suis au dessus des nuages.

Le ciel est bleu jaune rose. Il est doré. Il est pastel. Il s’eveille. Du hublot, je vois les montagnes enneigées. C’est beau, incroyablement beau. J’ai dû prendre plus de photographies ces dernières heures que durant tout l’été. Je suis fatiguée, je suis à la fleur de peau. J’aurais aimé être plus productive avant de partir et, bien sûr, je m’en mordille. Depuis le décollage, je prépare des mails. Je joue à saute-moutons sur les projets. Je ne bouge pas de mon siège et, pourtant, je cours.

Je viens de fermer tous les projets tous les mails tous les logiciels. Je ralentis. Je me laisse absorber par la musique en observant les nuages. J’ai l’impression que cela fait des mois que je n’avais pas fait une pause, que je ne m’étais pas offert une pause. Il aura fallu un vol long courrier, être coupée du monde durant seize heures pour m’offrir une parenthèse. Une parenthèse juste à moi.

Je sens des larmes couler sur mes joues et, voilà, je souris. Je crois qu’il n’y aura pas un seul vol long courrier où je n’aurais pas pleuré, et où je n’aurais pas été frappée par la fragilité et la beauté de cette vie-là. De la violence que l’on peut s’infliger à s’oublier. De cette chance aussi d’être ici, là et maintenant, et d’en prendre conscience.

Quand j’ai reçu mes billets d’avion pour le Chili, j’avais imaginé ce rendez-vous comme un cadeau que je m’offrirais, comme un moment égoïste et nécessaire : écrire dans l’avion, au fil des voyages, est devenu un rituel. C’est le début du voyage, l’arrêt nécessaire avant de reprendre ma respiration et d’ouvrir les yeux.

Le Chili, je l’imagine comme une parenthèse créative à l’image de mon voyage à Singapour. Comme une matière brute à photographier-écrire-tordre. Je me suis promis de prendre un peu de temps, chaque jour, pour l’écrire et le photographier. De m’imposer ce temps-là. L’idée d’un rituel et d’un rigueur quotidienne créatives me glisse, déjà, un grand sourire.

Vingt jours pour ralentir, pour prendre le temps et me reconnecter. Vingt jours pour photographier, pour s’enthousiasmer, pour échanger. Pour s’éveiller à nouveau. Je ne sais pas quelle forme cela prendra, ni vraiment encore ce que je vais découvrir ici. Je voyage avec l’Office de tourisme du Chili jusqu’à vendredi et je serre mille fois ma chance. On va découvrir Santiago et la région des lacs. A partir de là, je n’ai encore rien prévu.

Cette idée-là, de sortir de ma zone de confort, de me retrouver mes mots à l’autre bout du monde, me plait déjà beaucoup.

 


Je suis à Santiago.

Je suis à l’hôtel et mes petits yeux se ferment. Le trajet a duré plus vingt heures. J’ai téléchargé les photographies que j’ai prises durant le vol et je viens de faire un copier-coller de mes notes. Je souris en les relisant. Je les trouve, comme souvent, maladroites et un peu lourdes.

Alors, je me force à être bienveillante et à cliquer sur publier avant de tout supprimer. C’est drôle parce que je sais déjà que dans quelques mois, je les lirai à nouveau et je me dirai que ce n’était pas si lourd. Je les lirai et je me rappellerai le début de ce voyage, et je sourirai parce que je verrai plus le moment que la forme. C’est l’avantage de grandir, on apprend doucement à se connaitre.

Il est un peu plus de dix-sept heures ici. J’ai profité de l’après-midi pour découvrir le centre ville et les parcs de Santiago. Les chiliens fêtent l’indépendance du Chili et Santiago a des petits airs de 14 juillet. J’ai déjeuné une empanada en pensant à celles que me préparaient mon père quand j’étais petite et en me promettant d’en cuisiner à mon retour.

Il fait un soleil d’été et je retrouve doucement mes mots espagnols. Je suis sereine et c’est doux.

 

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C'est promis

Vos commentaires
sont des petites douceurs
Mille mercis à vous

  1. Que dire ? C’est touchant, prenant, émouvant. Rien à dire plus à part que j’espère que tu as rechargé tes batteries ☺️

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  2. Merci pour ce bel article qui me donne envie de prendre l’avion et décrire depuis tout là-haut. Bientôt peut-être. Beau voyage à toi !

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  3. Merci…. cette délicatesse… cette précision qui me fait ressentir à nouveau les sensations que j’ai moi aussi en voyageant… et le reste … Tout le reste…. c’est si beau…. Merci …..

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  4. Claire

    Merci May pour tes mots qui donnent envie de lointain.
    Quel bonheur de te retrouver! =)

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  5. Ils sont beaux tes mots :-)
    Et merci pour ce voyage, tu m’as rappelée des souvenirs… En 2003, nous avions visité le Chili sac au dos et j’ai l’impression que c’était hier.
    Bon voyage à toi,
    Bises
    Virginie

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  6. Lire de nouveau tes mots, un sourire, une parenthèse dans ma journée pas terrible. Merci May de revenir ici <3

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  7. Que ça fait du bien de vous retrouver. J’ai hâte que vous nous racontiez votre voyage :)

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