La nécessité du creux et des vides


 

De Paris, j’ai pris le train.

Je suis rentrée avec ma grosse valise de Montréal et un grigri coloré dans la poche. Du train, j’ai observé le ciel. J’ai observé ses couleurs. J’ai observé les paysages défiler de la fenêtre. J’ai compté les nuages. J’avais cinq heures, peut-être six, devant moi. Juste pour moi. Alors, j’ai coupé mon téléphone et j’ai respiré. J’ai lu les messages déposés dans la boite mails. J’ai pris le temps d’y répondre. J’ai lu, trié, rangé. J’ai glissé de la musique dans mes écouteurs. J’ai monté le son. J’ai souri. J’ai listé les choses à faire pour les journées à venir. A l’arrivée, tout semblait à sa place et en ordre.

Et vous savez, cela fait des semaines que cela n’était pas arrivé. Des semaines que cela faisait ding et dong dans ma tête et que je me promettais, chaque jour, de ralentir. Que je me promettais de retrouver, aussi, un peu de temps pour la lenteur et le calme. Et, cela faisait des semaines que je courrais de rendez-vous en rendez-vous. Que je m’enthousiasmais et que je serrais cette chance de travailler sur des projets aussi passionnants auprès de personnes qui le sont tout autant. Alors, cela faisait des semaines que cela se colorait dans ma tête, que ça clignotait le matin le midi le soir la nuit. Que cela ne s’arrêtait jamais finalement de clignoter. Des semaines que j’avais l’impression d’avoir un flux ininterrompu d’informations et de notifications qui s’abattait sur moi.

Et quand j’avais un peu de temps l’après-midi, je me glissais dans une salle de cinéma. Le soir, parfois, j’allais au théâtre ou je partageais un verre avec un ami. Je courais, je débordais. A la sortie, comme une urgence, je vérifias toujours mon téléphone et me mordillais les lèvres de mes absences. Je comblais sans trop savoir ni pourquoi ni comment chaque espace, chaque vide, chaque silence.

 


 

Je voudrais retrouver le temps pour le vide et les creux. M’autoriser ce vide et cet ennui-là à nouveau. Je crois, et je sais, que j’ai besoin de ce rien. J’en ai besoin pour imaginer, pour créer et, tout simplement, pour m’équilibrer. Je voudrais des journées à oublier les mails qui arrivent, à oublier les SMS, à oublier les appels. A oublier toutes ces petites choses à faire dès que je m’éloigne d’un écran quelques minutes ou quelques heures. Je voudrais prendre un peu plus de temps pour l’écriture, pour la lecture et pour le silence. Et par dessus tout, je voudrais arrêter de penser aux messages qui m’attendent et m’en vouloir de ne pas être toujours disponible.

Quand je suis arrivée à Toulouse, il y avait Holly et le soleil sur le seuil de la porte. Cela sentait bon le printemps, cela sentait bon les dimanches et les croissants chauds. Dans la boite aux lettres, il y avait neuf lettres manuscrites. Vous imaginez neufs lettres qui donnent le sourire, neuf personnes incroyables qui ont pris le temps de penser à vous, de vous écrire quelques lignes pour vous dire, en filigrane, combien elles vous aiment et l’importance que vous avez pour elles dans leur vie. Neuf lettres, et ce livre L’art de retrouver du temps pour soi de Diane, qui faisait sens.

Alors, j’ai ralenti, j’ai arrêté la course, j’ai laissé mon téléphone au fond de mon sac et j’ai serré – encore, encore et encore – ma chance. J’ai souri. J’ai fait chauffer du thé. J’ai ouvert les fenêtres. Je me suis assise sur le parquet. J’ai souri un peu plus à chaque mot, à chaque ronronnement d’Holly, à chaque rayon de soleil sur mes épaules.

Je me suis promise de prendre ce temps pour le vide, de le saisir. De le prendre pour respirer et m’apaiser. Et qu’importe si je mets quelques heures supplémentaires à répondre, qu’importe, la vie est bien trop précieuse pour passer son temps à courir à coté de l’essentiel.

 


 

J’ai imaginé en écrivant cet article quelques articles sur ce besoin de ralentir et mes petites astuces pour apprivoiser à nouveau mon temps. Cela vous parlerait, dites-moi ? Vous ressentez, vous aussi, parfois le besoin de ralentir ?

 

 

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C'est promis

Vos commentaires
sont des petites douceurs
Mille mercis à vous

  1. Ton article résonne en moi, c’est essentiel de s’accorder ces minutes de pause, souffler et inspirer un grand coup. Sinon, comment fait-on pour savourer l’instant ? :)

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  2. Tes mots raisonnent justes pour moi aussi .
    J’ai passé plus d’un an dans cet état, avec une patate chaude entre les mains, à sauter sur place, à être partout et nul part à la fois finalement .
    Je pense que tu as raison : il est important de savoir écouter le silence pour pouvoir entendre notre petite alarme intérieure .
    C’est nécessaire de savoir tout lâcher, tout déconnecter pour ne s’accorder du temps qu’à soi .
    Parce que finalement, il n’y a que ça qui EST .

    Pour ma part, je ne passe pas une semaine aujourd’hui sans m’autoriser au moins une journée sans téléphone et sans réseaux avec en prime une petite balade en pleine nature (quand le temps le permet) .

    Merci pour ton partage et je te souhaite un beau moment de ressourcement, qu’ils puissent être de plus en plus nombreux ;) .

    Bisettes

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  3. Jolie May,

    Je ne peux rien dire de plus. En ce moment, je ne peux qu’acquiescer après chacun de tes mots.

    Des bisous,

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  4. C’est tout à fait juste, ralentir est une nécessité et loin d’être contre-productif. Au contraire, à vouloir trop en faire, à s’imposer trop de contraintes, on prend le risque de finir toute « desséchée ». Alors qu’en se donnant la possibilité de ralentir, on laisse infuser tout doux, et les idées, l’envie, etc reviennent à foison et on est encore plus efficace. Alors, oui – pouce ! – on ralentit :)

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  5. Tes mots me parlent et me font ressentir encore plus grand ce besoin de ralentir. Si tu as des astuces à partager, n’hésite pas, j’ai l’impression de passer mon temps à courir, et je me rends compte que je ne sais même plus après quoi je cours, mais je n’arrive pas à m’arrêter… alors je recevrais tes conseils avec plaisir, pour essayer, moi aussi, de me retrouver et de m’ennuyer un peu dans le vide =)

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  6. je suis graphiste aussi, à mon compte, et j’enchaine aussi tout, de peur que à un moment ça s’arrete mais j’en oublie aussi le temps pour moi, pour lui, pour eux, pour tout en fait.
    alors merci de cet article qui résonne dans ma tête avec l’espoir un jour d’arriver à vraiment lâcher prise :)

    et peut etre je vais acheter le livre aussi haha :)

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  7. oh comme ça me parlerait ! je ne sais même plus ce que je faisais « avant », quand j’avais du temps pour moi….
    alors j’ai hâte de lire la suite !

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  8. Prendre du temps … Mon Dieu je rêve de pouvoir le faire ! J’ai l’impression d’être en stress total 24h/24 le portable allumé les notifications qui sonnent en permanence. Et si on prenait juste le temps de vivre ? J’ai hâte de lire la suite de tes articles !

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  9. Typhaine

    Oui oui oui ça me plairait beaucoup! :-) Tes articles font toujours tellement du bien à lire, tes mots décrivent d’une si jolie façon ce que je ressens sans trop savoir comment l’exprimer! Merci beaucoup May.

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  10. Je suis très enthousiaste à l’idée de lire ces futurs articles dont tu as le projet, des petites astuces pour ralentir, s’accorder du temps, faire une pause, du « vide ».
    La vie parisienne me pousse à courir toujours plus chaque jour, et je me suis rendue compte que je cours parfois même lorsque rien ne me presse. Mimétisme néfaste contre lequel je dois désormais lutter.
    C’est en grande partie pour ça que je souhaite quitter la capitale dès que les études seront terminées. Mes séjours à Bordeaux comme ailleurs ont toujours été marqués par un ralentissement tellement rassérénant.
    Je me suis reconnue dans tes mots que j’ai aimé lire, comme toujours.
    Et comme je te le disais, j’attends les prochains avec impatience. :)

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  11. Très belle écriture. Merci pour cet instant où je prends conscience que moi aussi, j’ai besoin du creux et des vides.

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  12. Mandycoo

    Ah le temps ! Il peut paraître si long comme il peut être si court ! Tout dépends de ce que l on est en train de faire. Mais concrètement il nous manque toujours LE temps DE faire si ou ça, nous vivons dans une société où tout va vite, trop vite et on essaie de suivre le mouvement comme on peut. Il faut savoir se donner des priorités, les nôtres car elles ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Par exemple, ce soir j ai décidé de priorise la lecture de ton article et de prendre le temps d y répondre, plutôt que d avancer sur mon travail de créatrice. … je prioriserais ce travail sur autre chose demain. Mais ravie d avoir pris ce temps

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  13. Merci May. C’est exactement ma mission de vie profonde. Je le sais. Je le sens. Je veux vivre chaque instant (ou presque), et pour cela ne pas être secouée dans un TGV qui fait des bonds entre le passé et le futur. Et tu sais ce qui m’aide beaucoup dans cet art de vivre? La méditation que je pratique depuis maintenant 8 ans. C’est tout simple, mais très puissant. Bonne soirée, douce et lente, pleine de vide.

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  14. Anne

    Contente de voir que l’on n’est pas une « extra terrestre » et que d’autres ressentent les mêmes choses, ce besoin vital de vides et creux sans culpabiliser, j’essaie de comprendre comment vivre cette « pause » dans cette société qui court à toute allure dans tous les sens sans jamais trouver après quoi elle court réellement et surtout en étant jamais satisfaite !!!

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  15. L’automne dernier, je me suis arrêtée dans la rue à plusieurs reprises pour regarder le bal des oiseaux qui se préparaient à migrer vers des pays plus chauds. Un instant merveilleux! Se sont ces moments où nous nous enthousiasmons, et retrouvons notre âme d’enfant, ils sont à chérir.
    Nous n’avons jamais autant parlé de lâcher prise, de ralentir. Je pense qu’en un sens, cela prouve que nos modes de vies ne sont peut-être pas sain en étant aussi mouvementés. Il nous faut alors prendre de nouvelles habitudes, même si cela n’est pas toujours simple. Eteindre son téléphone de temps en temps, ouvrir un livre, écouter de la musique, faire une promenade, s’émerveiller devant les petites choses et profiter de chaque petites joies, remplir une page d’art thérapie, jouer avec les animaux qui vivent avec nous, préparer un gâteau… Peut-être la clef du bonheur?
    Merci pour ces mots que tu poses si bien.
    Douce nuit May, et à bientôt!
    Valentine

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  16. (ça faisait longtemps longtemps que j’avais commenté par ici !)
    Je suis contente que tu ne te sois pas perdue, après tout les bonnes choses ont le droit d’être ancrées en nous et de nous le faire ressentir quand on les laisse de côté… C’est dur de tenir et de ne pas se faire happer, ça va vite ! Je serais ravie de pouvoir en lire plus sur comment c’est de ton côté, apprendre de tes astuces et partager les miennes :)

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  17. Ophée lillie

    Bonjour,

    J’ai pris le temps de lire ton article en entier car un peu comme toi, on a un milliard de choses à faire et seulement 24 heures devant soi.
    Ton article m a fait du bien. Je me voyais avec toi dans le train à prendre le temps de rien.

    Alors vivement tes conseils oui.
    Bonne journée

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  18. Merci pour cet article. Merci de mettre des mots sur ces émotions.
    Je comble aussi tous ces vides et je pense que j’aurais besoin de reprendre du temps pour moi.
    Donc oui, très intéréssée par des articles sur le sujet :)
    Belle journée

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  19. Faire une pause, se laisser porter, c’est tellement essentiel mais nous passions souvent à côté car notre esprit est occupé, préoccupé. Très bel article May qui parlera à beaucoup d’entre nous j’en suis sûre.
    Merci pour ce partage qui donne envie de regarder nos « obligations » différemment et de nous laisser aller doucement à plus de calme et de sérénité au quotidien.

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  20. Tes mots font écho en moi, parce qu’il n’est pas toujours facile de s’autoriser à prendre du temps pour ce vide, pourtant salutaire. J’essaie, autant que je peux, de ré-apprivoiser ce temps qui semble si souvent nous échapper ; me déconnecter pour mieux me reconnecter à moi-même. Alors je serais ravie de lire d’autres de tes mots à ce sujet (:

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  21. On passe tous notre temps à essayer de trouver du temps (justement). Et quand nous y arrivons, nous comblons ces vides par d’autres activités.
    Bizarrement, il m’a fallu un certain « temps » pour comprendre que ces petits vides étaient essentiel dans ma vie. Ils me permettent de « ranger » mes idées, de trouver des astuces et de décompresser aussi (en me rendant beaucoup plus efficace ensuite). La fainéantise n’a jamais été quelque chose de bien vu et pourtant… elle nous permet de ne pas devenir fou (ou de nous préserver du burn-out)
    C’est rassurant de savoir que nous ne sommes pas seules dans ce cas…
    Merci :)

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  22. Adeline

    Très joli texte, qui sans que je ne me l’explique, m’a fait monter les larmes aux yeux. Peut-être parce qu’il dit si délicatement ce que je cherche à atteindre, se défaire de ce besoin incessant de combler les vides, de remplir chaque heure. Abandonner cette culpabilité de ne « rien » faire, réapprendre l’ennui. Merci May, de trouver les mots si justes pour ce que beaucoup d’entre nous ressentons.

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  23. Un plaisir de te lire de nouveau, moi qui me replonge tout juste dans la blogosphère. Justement avec l’envie de prendre le temps, mon blog étant un échappatoire pour prendre le temps de me retrouver, de me ressourcer, de partager, de m’inspirer. Un temps qu’il faut prendre sur la blogosphère avec modération, évidemment, pour ne pas déborder sur la « vie réelle ». Mais c’est pour l’instant la solution que j’envisage pour prendre du recul sur cette vie réelle qui commence à me bouffer, un peu. Je procrastine la reprise de mon blog depuis quelques semaines, je ne sais pas si j’en ai vraiment envie, vraiment besoin. Mais j’ai l’impression de perdre le contrôle, de mal gérer mon temps, de ne pas faire tout ce que j’ai envie de faire, y compris de bloguer.
    En tout cas, des articles pour apprendre à ralentir, et surtout pour comme tu dis « apprivoiser son temps », ça me tente bien.

    Des bisous,
    Lison
    http://plumaline.blogspot.fr

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  24. Je ressens exactement la même chose, sauf que de mon côté c’est en rentrant de mes vacances au Canada que subitement, j’ai eu mille choses à faire… Je sais que cela risque de durer encore une petite semaine, mais après, je me le promets, je vais ralentir et prendre le temps…

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  25. Merci pour tes mots… Ils m’ont pris à la gorge, m’ont émus, m’ont fait ralentir aussi. Comme je te comprends ! Moi ici, je suis encore dans la tumulte des voyages. Et entre chaque escale, je me souviens de ces moments de vide et de creux comme tu les appelles, comme ils sont nécessaires, comme ils font du bien. Tu n’imagines pas comme je trouve beau de te lire !

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